Ce 1er janvier 2022, la France prend la présidence tournante du Conseil de l’Union européenne. Treize ans après sa dernière présidence, Paris exercera de nouveau la fonction pour six mois. Jeudi 9 décembre, le Président de la République Emmanuel Macron et Clément Beaune, Secrétaire d’État aux Affaires européennes ont révélé l’emblème et la devise de la présidence française relance, puissance, appartenance . Clément Beaune a également révélé qu’une nouvelle pièce de deux euros, à l’effigie de la PFUE, serait frappée durant ces six mois.

Qu’est-ce que le Conseil de l’Union européenne ?

Aussi appelé « Conseil des ministres de l’Union européenne » ou « Conseil », le Conseil de l’Union européenne réunit les ministres des États membres de l’Union européenne par domaine d’activité. Il est, avec le Parlement européen, le co-législateur de l’Union européenne. Le Conseil détient également des compétences en matière budgétaire : il arrête et modifie le budget européen avec le Parlement. Enfin, le Conseil adopte certaines décisions, ainsi que des recommandations non contraignantes, conclut les accords internationaux de l’Union, nomme les membres de certaines institutions (Cour des comptes, Comité économique et social européen, Comité des régions). Les délibérations et les votes du Conseil sur des actes législatifs sont publics.

Si le Conseil des Affaires étrangères est présidé pendant 5 ans par le haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, la France assurera la présidence pour les 9 autres domaines d’activité ou formations du Conseil de l’UE : Affaires générales ; Affaires économiques et financières ; Justice et Affaires intérieures ; Emploi, politique sociale, santé et consommateurs ; Compétitivité (Marché intérieur, industrie, recherche et espace) ; Transport, télécommunications et énergie ; Agriculture et pêche ; Environnement ; Éducation, jeunesse, culture et sport.

Depuis 2009, chaque Etat membre n’exerce plus vraiment tout seul la présidence du Conseil de l’UE, il doit collaborer avec deux autres pays. Ce système, dit de “trio” permet de fixer des objectifs à long terme et de définir les grands thèmes qui seront traités pendant une période de 18 mois. La France quant à elle entamera un nouveau cycle et travaillera en trio avec la République tchèque au second semestre 2022 et la Suède au premier semestre 2023. Parmi ces trois pays, seule la France est un pays fondateur de l’UE et un membre de la zone euro.

Les priorités de la présidence française du Conseil de l’Union européenne : Souveraineté, croissance, transition écologique, numérique, état de droit

Après avoir présenté les priorités du prochain semestre au cours d’une conférence de presse le 9 décembre à l’Élysée, le président de la République Emmanuel Macron en fera de même devant le Parlement européen à Strasbourg le 19 janvier prochain, lors de la session plénière de janvier. Un exercice habituel pour chaque début de présidence.

1. Une Europe souveraine

Le premier axe de la PFUE vise à construire une “Europe pleinement souveraine”. “S’il fallait résumer en une phrase cette présidence : nous devons passer d’une Europe de coopération à l’intérieur de nos frontières à une Europe puissante dans le monde, pleinement souveraine, libre de ses choix et maître de son destin”, a affirmé Emmanuel Macron.

Cette pleine souveraineté européenne doit notamment se matérialiser par un meilleur contrôle des frontières internes et externes de l’UE. En particulier via une réforme de l’espace Schengen. La refonte du fonctionnement de l’espace verrait la mise en place d’un “pilotage politique”, avec des réunions fréquentes des ministres compétents. La création d’un “mécanisme de soutien d’urgence aux frontières en cas de crise” sera aussi portée par la France. Celle-ci aura pour priorité de faire “avancer” le pacte migratoire européen, qui ambitionne de réformer la politique de l’Union dans ce domaine.

L’approfondissement de l’Europe de la défense, appelée à entrer “dans une phase plus opérationnelle”, constituera une autre manière d’atteindre la souveraineté européenne. Saluant les récentes avancées en la matière, comme la création du Fonds européen de défense, Emmanuel Macron a indiqué que le moment était venu de définir une “souveraineté stratégique européenne”.

La “boussole stratégique”, livre blanc qui renouvellera les orientations des Européens en matière de défense et de sécurité pour les prochaines années, doit contribuer à cet effort de définition. L’adoption de ce document par le Conseil de l’Union européenne est prévue en mars.

Troisième dimension de l’Europe souveraine : “la stabilité et la sécurité de notre voisinage”, a mis en en avant le chef de l’Etat. De ce point de vue, Emmanuel Macron a évoqué une relation “structurante” entre l’Europe et l’Afrique, conduite à être revitalisée par un “New Deal” entre les deux continents. La nouvelle coopération souhaitée par la France sera discutée lors d’un sommet entre l’UE et l’Union africaine à Bruxelles les 17 et 18 février.

En juin se tiendra aussi une conférence sur les Balkans occidentaux, en proie à une lutte entre influences étrangères (russes, turques et chinoises notamment), afin d’aboutir à un “réengagement” de l’Union dans la région. “On ne pourra pas bâtir l’Europe de paix des 50 prochaines années si nous laissons les Balkans occidentaux dans la situation où ils sont aujourd’hui”, a déclaré le président.

2. Un nouveau modèle européen de croissance

Le deuxième grand axe de la présidence française, “qui s’est dessiné sur notre continent durant ces derniers mois consiste à bâtir un nouveau modèle européen de croissance”, a ensuite expliqué Emmanuel Macron. Pour le président, “il nous faut définir ensemble ce que sera l’Europe de 2030”. L’ambition est d’asseoir l’Europe en termes d’innovation, de production, de créations d’emploi et d’affirmer sa compétitivité économique par rapport à la Chine et aux Etats-Unis. Ainsi, parmi les rencontres les plus importantes de la PFUE figure un sommet européen exceptionnel qui se tiendra à Bruxelles les 10 et 11 mars pour “définir le nouveau modèle de croissance européen”.

Pour ce faire, la France entend promouvoir une “souveraineté technologique” européenne, qui implique des règles budgétaires adaptées. Le nouveau modèle économique défendu se caractérise par une Europe championne de l’ambition climatique, cette dernière visant la neutralité climatique à l’horizon 2050 dans le cadre du Pacte vert européen. En juillet dernier, la Commission européenne a proposé 12 initiatives législatives pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. “Le semestre français doit faire avancer ces textes. Nous n’avons pas une minute à perdre”, a soutenu le président.

Emmanuel Macron a fait part de son intention de faire adopter au plus vite le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières, une des mesures proposées par la Commission, équivalent à une taxe sur les produits importés dans l’UE qui ne respectent pas les exigences climatiques européennes. Le président veut également instaurer des “clauses miroir” dans les accords commerciaux, qui imposent une réciprocité avec les partenaires de l’Europe en termes de normes écologiques, et lutter contre la déforestation importée.

Le numérique fera aussi partie intégrante de la vision portée par la France au cours de la PFUE. Paris souhaite bâtir un réel marché unique du numérique, passant par la définition d’un agenda européen et susceptible d’attirer les talents et les financements. Pour construire cette nouvelle donne numérique, le chef de l’Etat a souligné l’importance de “deux textes pionniers” en cours de négociation au sein des institutions européennes et possiblement adoptés au premier semestre 2022 : le règlement sur les marchés numériques (DMA) et celui sur les services numériques (DSA).

Le nouveau modèle de croissance repose également sur de “bons emplois”, a mis en avant Emmanuel Macron. L’adoption de la directive sur les salaires minimums, destinée à établir un cadre garantissant des niveaux de rémunération “adéquats” selon le texte actuellement débattu, sera ainsi l’un des chevaux de bataille de la France. En matière d’égalité hommes-femmes, la France travaillera sur la finalisation de la directive sur la transparence salariale, qui a pour objectif de réduire les écarts de salaire entre les sexes.

3. Une Europe “à taille humaine

Je veux que nous puissions faire de cette présidence un grand moment d’humanisme européen”, a déclaré le chef de l’Etat. Ce troisième axe des ambitions françaises ayant vocation à ériger une Europe “à taille humaine” se manifestera notamment par la conclusion en mai 2022 de la Conférence sur l’avenir de l’Europe, vaste exercice de démocratie participative pour penser l’Union européenne de demain. “Ce doit être le début d’un élan refondateur”, avec une possibilité de “refonte des traités” à l’issue du processus, a fait valoir Emmanuel Macron.

L’humanisme européen prôné par le président français repose en partie sur la défense de l’état de droit dans les Etats membres. Des questions qui ne “ne sont pas négociables” : “elles sont existentielles, elles sont à la base de nos traités, elles sont au cœur de ce qui est la convention même des droits de l’homme, qui a précédé à notre Union, elles sont dans les textes constitutionnels de notre Union”, a martelé Emmanuel Macron. 

Évoquant les divergences entre l’ouest de l’Europe et certaines démocraties illibérales à l’est du continent, le chef de l’Etat a appelé à ce que ces mêmes questions ne soient pas sources de division entre Européens. Celles-ci “ne confrontent pas des pays, des sociétés ou des peuples d’Europe entre eux”, mais “sont un combat politique existentiel pour nos valeurs et pour notre union”. Dans le cadre de la protection de l’état de droit, et en particulier de la liberté de la presse, le président a notamment fait part de son souhait de mettre en place un fonds européen de soutien au journalisme indépendant et d’investigation.

Lors de la séance de questions-réponses avec les journalistes après son intervention, interrogé sur la possibilité de travailler avec le Premier ministre hongrois Viktor Orbán, Emmanuel Macron a estimé que l’ensemble des dirigeants des Vingt-Sept étaient capables de construire des compromis à l’échelle européenne. Les problématiques de souveraineté et de modèle de croissance constitueraient, par exemple, des terrains d’entente possibles avec le dirigeant hongrois. Mais sans faire de concessions sur les valeurs de l’Union. A ce titre, le chef de l’Etat a insisté sur l’importance du nouveau mécanisme de conditionnalité de versement des fonds européens à l’état de droit.

Face aux pays qui adoptent des positions révisionnistes, le président veut aussi que la PFUE serve de moment de réflexion sur la manière d’écrire l’histoire de l’Europe : “l’histoire européenne n’est pas seulement l’addition de 27 histoires nationales”. Il désire ainsi lancer un grand travail sur l’histoire européenne avec des experts indépendants.

En ce qui concerne la jeunesse et l’éducation, Emmanuel Macron a indiqué qu’une grande réunion des universités d’Europe aurait lieu en juin. Notant que 2022 sera l’Année européenne de la jeunesse et des 35 ans du programme Erasmus+, il a avancé l’idée d’un service civique européen “de six mois ouvert à tous les jeunes de moins de 25 ans pour un échange universitaire ou d’apprentissage, un stage ou une action associative”.

Suivre l’actualité de la PFUE et les évènements en France

A partir du 1er janvier 2022 et pour six mois, près de 400 événements se dérouleront en France, à l’occasion de la présidence française du Conseil de l’Union européenne (PFUE), auxquels s’ajoutent les réunions formelles à Bruxelles et Luxembourg.

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