Dans un rapport publié ce 25 septembre, la Cour des comptes européenne fait part de ses inquiétudes concernant les effets des actions prévues par l’UE en faveur des viticulteurs. La politique vitivinicole européenne ne répond pas aux objectifs environnementaux et ses mesures ne ciblent pas directement la compétitivité du secteur.

Le secteur vitivinicole de l’UE est fortement réglementé et bénéficie d’aides considérables. L’Europe verse chaque année quelque 500 millions d’euros aux viticulteurs pour leur permettre de restructurer leurs vignobles et de renforcer leur compétitivité. Depuis 2016, ceux-ci ont également la possibilité de demander l’autorisation de planter des vignes supplémentaires, l’idée étant de maîtriser la croissance du potentiel de production (1 % par an au maximum) tout en évitant une offre excédentaire.

«Promouvoir la compétitivité du secteur du vin est essentiel, tout particulièrement pour l’UE, mais cela doit aller de pair avec une amélioration de la durabilité environnementale», a déclaré Joëlle Elvinger, la Membre de la Cour responsable de l’audit. «Le moins que l’on puisse dire, c’est que par rapport à ces deux objectifs, l’action de l’UE n’a pas encore porté ses fruits.»

Le vin peut être rouge, blanc ou rosé, mais son mode de production est rarement «vert» dans l’UE. Les auditeurs déplorent que malgré les fonds considérables en jeu, la politique vitivinicole de l’UE contribue peu à la préservation de l’environnement. La politique de restructuration, en particulier, tient peu compte des objectifs environnementaux. Dans la pratique, l’aide européenne n’est pas allée à des projets permettant de réduire l’impact de la viticulture sur le climat et/ou l’environnement. Il se peut même qu’elle produise l’effet inverse, favorisant par exemple des cépages plus gourmands en eau. Par ailleurs, l’augmentation annuelle de 1 % maximum des surfaces de vignobles – une mesure prolongée pour une durée supplémentaire de 15 ans (jusqu’en 2045) – n’a jamais été évaluée d’un point de vue environnemental.

Les perspectives ne sont pas beaucoup plus réjouissantes avec la nouvelle politique agricole commune (PAC), l’ambition environnementale restant limitée pour le secteur vitivinicole. Par le passé, les auditeurs de l’UE ont recommandé de lier explicitement les paiements effectués en faveur des agriculteurs, y compris les viticulteurs, au respect d’exigences environnementales. Mais dans la nouvelle PAC, ces conditions ne sont plus appliquées au financement de la restructuration. De surcroît, la part minimale des fonds alloués au secteur du vin que les Vingt-Sept devront consacrer à des actions en lien avec l’adaptation au changement climatique, l’environnement et la durabilité n’y est que de 5 %. Un taux que les auditeurs jugent étonnamment faible, sachant que dans le cadre du verdissement de la PAC, 40 % de l’ensemble des dépenses agricoles doivent cibler des objectifs climatiques.

La politique de l’UE n’est pas non plus parvenue à renforcer la compétitivité des viticulteurs. Dans les cinq pays audités, les projets sont financés indépendamment de leur contenu ou de leur degré d’ambition, et sans qu’il soit tenu compte des critères visant à favoriser la compétitivité. Les changements non structuraux ou le remplacement normal des vignobles sont également financés, alors même que de telles actions ne sont pas éligibles. En outre, les bénéficiaires ne sont pas tenus d’indiquer en quoi la restructuration les a rendus plus compétitifs. Et ni la Commission européenne ni les États membres n’étudient comment les projets financés contribuent concrètement à accroître la compétitivité des viticulteurs.

Il en va de même pour le régime d’autorisations de plantations. Premièrement, le plafond de 1 % d’augmentation par an a été proposé et adopté sans que ce choix ait été motivé et en l’absence de toute analyse visant à déterminer s’il était adapté et pertinent. Deuxièmement, peu de critères d’éligibilité et de priorité liés à la compétitivité sont appliqués au moment d’accorder ces autorisations.

Informations générales

L’UE est le premier producteur, consommateur et exportateur de vin au monde. En 2020, elle comptait 2,2 millions d’exploitations viticoles, et les vignobles couvraient quelque 2 % de sa superficie agricole utilisée. Environ 80 % du vin produit dans l’Union provient d’Italie, de France ou d’Espagne.

Les viticulteurs et les producteurs de vin peuvent prétendre à une aide financière au titre de la PAC. Il peut s’agir d’une aide spécifique relevant de l’organisation commune du marché vitivinicole (principalement dans le cadre de programmes d’aide nationaux), mais aussi de paiements directs ou d’un soutien concernant les mesures de développement rural et/ou les mesures de promotion horizontales.

Pour en savoir plus

Page dédiée au rapport avec infographies : ici
Rapport spécial 23/2023 «Restructuration et plantation de vignobles dans l’UE – Un impact incertain sur la compétitivité et une ambition environnementale limitée» : ici