Le 8 juin, le Conseil de l’Union européenne a trouvé un accord sur deux textes majeurs du Pacte sur la migration et l’asile. C’est une étape décisive sur la voie d’une modernisation du corpus réglementaire de l’UE en matière d’asile et de migration. Il a arrêté sa position de négociation sur le règlement sur les procédures d’asile et sur le règlement relatif à la gestion de l’asile et de la migration. Cette position servira de base aux négociations menées par la présidence du Conseil avec le Parlement européen.

Aucun État membre ne peut relever seul les défis posés par la migration. Les pays situés en première ligne ont besoin de notre solidarité. Et tous les États membres doivent pouvoir compter sur le respect responsable de la règle convenue. Je suis très heureuse que, sur cette base, nous nous soyons mis d’accord sur une position de négociation. Maria Malmer Stenergard, ministre suédoise des questions de migration

La présidente Ursula von der Leyen a déclaré suite à cet accord: «L’accord intervenu au sein du Conseil montre que l’UE est forte et capable de progresser de concert, même sur les questions les plus complexes. Grâce à la confiance et à la coopération, nous pouvons apporter une réponse européenne à un défi que nous devons tous relever. Ce succès n’a pu être atteint que grâce à la puissance de travail et aux efforts vigoureux de toutes les parties concernées. Mes sincères remerciements et ma reconnaissance pour tout le travail acharné vont, en particulier, au vice-président Margaritis Schinas et à la commissaire Ylva Johansson. Ils continueront de travailler en étroite collaboration avec les colégislateurs pour faciliter et soutenir un accord en temps utile sur le pacte».

🔎 Contexte : Ces deux actes législatifs sur lesquels le Conseil a arrêté une orientation générale font partie du pacte sur la migration et l’asile proposé par la Commission européenne, qui consiste en un ensemble de propositions visant à réformer les règles de l’UE en matière de migration et d’asile. Ce nouveau pacte sur la migration et l’asile du 23 septembre 2020 a été accompagné d’un certain nombre de propositions législatives. Parmi celles-ci figurent un règlement relatif à la gestion de l’asile et de la migration et une modification de la proposition de règlement sur les procédures d’asile de 2016.

Contenu de l’Accord

L’accord obtenu le 8 juin 2023 porte sur :
📍 le règlement sur les procédures, qui révise les procédures communes d’instruction des demandes d’asile au sein de l’UE, établit une procédure d’asile obligatoire pour certaines personnes à la frontière extérieure de l’Union européenne. Cela permettra d’examiner rapidement l’éligibilité des demandes de protection internationale, et de faciliter l’éloignement pour les personnes non éligibles à l’asile ;
📍 le règlement relatif à la gestion de l’asile et de la migration devrait remplacer l’actuel règlement de Dublin. Il révise les règles permettant de déterminer l’État membre responsable de la prise en charge des demandeurs d’asile. Il met également en place une solidarité obligatoire mais flexible entre les États membres. Chaque État membre est tenu d’accueillir un certain nombre des demandeurs d’asile arrivés dans un pays de l’UE soumis à une pression migratoire, ou à défaut d’apporter une contribution financière ou un soutien capacitaire.
 
L’accord intervenu le 8 juin constitue une avancée majeure sur un dossier qui divisait les États membres depuis la crise migratoire de 2015. Relancée à l’initiative de la présidence française du Conseil de l’Union européenne avec l’adoption de deux textes, le règlement sur le filtrage et le règlement Eurodac (juin 2022), la négociation du pacte sur la migration et l’asile doit désormais faire l’objet d’un accord avec le Parlement européen.

Rationalisation de la procédure d’asile

Le règlement sur les procédures d’asile établit une procédure commune à l’ensemble de l’UE que les États membres doivent suivre lorsque des personnes demandent une protection internationale. Il rationalise les modalités procédurales (par exemple, la durée de la procédure) et fixe des normes concernant les droits des demandeurs d’asile (par exemple, bénéficier du service d’un interprète ou avoir le droit à une assistance juridique et à une représentation).

Le règlement vise également à prévenir les abus du système en établissant des obligations claires pour les demandeurs de coopérer avec les autorités tout au long de la procédure.

Procédures à la frontière

Le règlement sur les procédures d’asile introduit également des procédures à la frontière obligatoires, dans le but d’évaluer rapidement, aux frontières extérieures de l’UE, si les demandes sont infondées ou irrecevables. Les personnes soumises à la procédure d’asile à la frontière ne sont pas autorisées à entrer sur le territoire de l’État membre.

La procédure à la frontière s’appliquerait lorsqu’un demandeur d’asile présente une demande à un point de passage à la frontière extérieure, à la suite d’une arrestation à l’occasion d’un franchissement illégal de la frontière et à la suite d’un débarquement faisant suite à des opérations de recherche et de sauvetage. La procédure est obligatoire pour les États membres si le demandeur représente un danger pour la sécurité nationale ou l’ordre public, s’il a induit en erreur les autorités avec de fausses informations ou en dissimulant des informations et si le taux de reconnaissance de la nationalité du demandeur est inférieur à 20 %.

La durée totale de la procédure d’asile et de retour ne devrait pas dépasser 6 mois.

Capacité adéquate

Afin de mener les procédures à la frontière, les États membres doivent mettre en place une capacité adéquate, en termes d’accueil et de ressources humaines, nécessaire pour examiner à tout moment un nombre déterminé de demandes et pour exécuter des décisions de retour.

Au niveau de l’UE, cette capacité adéquate est de 30 000. La capacité adéquate de chaque État membre sera établie sur la base d’une formule qui tient compte du nombre de franchissements irréguliers des frontières et de refus d’entrée sur une période de trois ans.

Modification des règles de Dublin

Le règlement relatif à la gestion de l’asile et de la migration devrait remplacer, une fois approuvé, l’actuel règlement de Dublin. Ce dernier fixe des règles déterminant quel État membre est responsable de l’examen d’une demande d’asile. Le règlement relatif à la gestion de l’asile et de la migration rationalisera ces règles et réduira les délais. Par exemple, la procédure complexe de reprise en charge actuelle, visant à transférer à nouveau un demandeur vers l’État membre responsable de sa demande sera remplacée par une simple notification aux fins de reprise en charge.

Nouveau mécanisme de solidarité

Afin d’équilibrer le système actuel, en vertu duquel quelques États membres sont responsables de la grande majorité des demandes d’asile, un nouveau mécanisme de solidarité simple, prévisible et viable est proposé. Les nouvelles règles associent solidarité obligatoire et souplesse pour les États membres en ce qui concerne le choix des contributions individuelles. Ces contributions comprennent la relocalisation, des contributions financières ou d’autres mesures de solidarité telles que le déploiement de personnel ou des mesures axées sur le renforcement des capacités. Les États membres ont toute latitude quant au type de solidarité qu’ils apportent. Aucun État membre ne sera obligé de procéder à des relocalisations.

Un nombre annuel minimum de relocalisations depuis les États membres par lesquels le plus grand nombre de migrants entrent dans l’UE vers les États membres moins exposés à ces arrivées sera fixé. Ce nombre est fixé à 30 000, tandis que le nombre annuel minimum pour les contributions financières sera fixé à 20 000 euros par relocalisation. Ces chiffres peuvent être augmentés si nécessaire et les situations dans lesquelles aucun besoin de solidarité n’est prévu pour une année donnée seront également prises en compte.

Afin de compenser un nombre potentiellement insuffisant d’engagements en matière de relocalisations, des compensations de responsabilité seront disponibles en tant que mesures de solidarité de niveau secondaire, en faveur des États membres bénéficiant de mesures de solidarité. Cela signifiera que l’État membre contributeur assumera la responsabilité de l’examen d’une demande d’asile présentée par des personnes qui, dans des circonstances normales, feraient l’objet d’un transfert vers l’État membre responsable (l’État membre bénéficiaire). Ce programme deviendra obligatoire si les engagements en matière de relocalisations sont inférieurs à 60 % de la totalité des besoins recensés par le Conseil pour l’année concerné ou si ceux-ci n’atteignent pas le nombre fixé dans le règlement (30 000).

Prévention des abus et des mouvements secondaires

Le règlement relatif à la gestion de l’asile et de la migration contient également des mesures visant à prévenir les abus par les demandeurs d’asile et éviter les mouvements secondaires (lorsqu’un migrant se déplace du pays dans lequel il est arrivé initialement pour demander une protection ou une réinstallation permanente ailleurs). Par exemple, le règlement prévoit l’obligation pour les demandeurs d’asile de présenter une demande dans l’État membre de première entrée ou de séjour régulier. Il décourage les mouvements secondaires en limitant les possibilités de cessation de la responsabilité ou de transfert de la responsabilité entre États membres, réduisant ainsi les possibilités pour le demandeur de choisir l’État membre auprès duquel il introduit sa demande.

Si le nouveau règlement devrait préserver les principales règles relatives à la détermination de la responsabilité, les mesures convenues prévoient toutefois une modification des délais:

  • l’État membre de première entrée sera responsable de la demande d’asile pour une durée de deux ans
  • lorsqu’un pays souhaite transférer une personne vers l’État membre qui est effectivement responsable du migrant et que cette personne prend la fuite (par exemple, lorsque le migrant se cache pour échapper à un transfert), la responsabilité passera à l’État membre procédant au transfert après trois ans
  • si un État membre rejette un demandeur dans le cadre de la procédure à la frontière, sa responsabilité à l’égard de cette personne prendra fin après 15 mois (en cas de nouvelle demande).

Pour en savoir plus

Réforme de l’Asile