Depuis l’annonce hier du décès de Jacques Delors, Président de la Commission européenne de 1985 à 1995, les hommages se succèdent pour saluer la mémoire de ce grand constructeur de l’Union européenne mais aussi pour souligner sa personnalité d’homme de réflexion et d’action et ses qualités humaines.

Le mot de “tristesse” a rarement été autant utilisé pour la disparition d’un homme politique. Jacques Delors a profondément marqué ceux qui ont eu la chance de le côtoyer, de travailler à ses côtés mais aussi il reste, pour beaucoup de citoyens européens, celui qui incarnait le mieux les valeurs d’une Europe unie et solidaire et qui a fait aimer l’Europe.

Les hommages et remerciements de Notre Europe (Institut Jacques Delors), le portrait dressé par Toute l’Europe, les déclarations des dirigeants de l’Union européenne soulignent l’empreinte de Jacques Delors de l’Acte unique européen au Traité de Maastricht et la création de l’Union économique et monétaire en passant par Erasmus ou la réforme des fonds structurels (accompagnée du lancement des initiatives communautaires comme INTERREG ou LEADER). Cet héritage sera sûrement détaillé et analysé dans les prochaines semaines.

Nous partageons deux exemples qui illustrent comment son action européenne est empreinte de ses convictions d’homme issu du monde rural, de syndicaliste, de militant chrétien et socialiste.

de l’éducation au cœur du projet de société

Jacques Delors, du cabinet de Jacques Chaban Delmas à la Commission européenne ou à l’UNESCO, a toujours plaidé pour une vision intégrée de l’éducation fondée sur deux concepts fondamentaux, l’apprentissage tout au long de la vie et les quatre piliers de l’éducation (apprendre à connaître, apprendre à faire, apprendre à vivre ensemble et apprendre à être).

Le rapport Delors de 1996 explique que le système éducatif formel tend à privilégier l’accès à certaines formes de connaissances, au détriment d’autres formes essentielles pour assurer un développement humain durable. Il affirme que, dans tout contexte d’apprentissage structuré, il convient d’accorder une égale attention à chacun de ces quatre piliers :

  1. Apprendre à connaître – en combinant une culture générale étendue avec la possibilité de travailler en profondeur un petit nombre de matières
  2. Apprendre à faire – acquérir non seulement des qualifications professionnelles, mais aussi une compétence qui rende apte à faire face à de nombreuses situations et à travailler en équipe.
  3. Apprendre à être – pour mieux épanouir sa personnalité et être en mesure d’agir avec une capacité toujours renforcée d’autonomie, de jugement et de responsabilité personnelle.
  4. Apprendre à vivre ensemble – en développant la compréhension de l’autre et la perception des interdépendances

L’idée de cette approche intégrée de l’éducation a eu une influence majeure sur le débat relatif aux politiques, la formation des enseignants et l’élaboration des programmes dans de nombreux pays du monde et inspire encore aujourd’hui l'”Année européenne des compétences”.

à l’avenir du monde rural

Attaché à ses racines rurales et au monde agricole, Jacques Delors a soutenu l’appui au développement des territoires ruraux dans une communication de 1988 “L’avenir du monde rural”. En lien étroit avec la réforme des fonds structurels et le “1er paquet Delors”, cette communication expliquait les défis du monde rural en mutation, proposait une approche communautaire face aux problèmes rencontrés et présentait les actions à initier. Relire cette Communication montre l’esprit visionnaire de celle-ci de la protection de l’environnement rural à la diffusion des nouvelles technologies de télécommunication en passant par les actions d’information et de sensibilisation.

Les carrefours ruraux européens étaient lancés : ces centres devaient permettre, “d’une part, de faciliter et stimuler le dialogue, la réflexion commune et la coopération entre les différents acteurs socio-économiques du monde rural et d’autre part, de faciliter les contacts, les échanges d’informations et d’expériences entre différentes régions rurales”. Plusieurs structures hôtes actuelles de Centres EUROPE DIRECT, comme l’ADRET (structure hôte du Centre EUROPE DIRECT Pyrénées) ont porté ces Carrefours ruraux européens jusqu’en 2004 avant la mise en place du réseau unique d’information de l’Union européenne en 2005.

Les défis identifiés restent aujourd’hui souvent d’actualité et sont repris dans les documents de la Commission européenne dans sa stratégie pour une vision à long terme pour les zones rurales de l’UE jusqu’en 2040 et ses outils de mise en œuvre (pacte rural et plan d’action rural de l’UE).

Merci Jacques Delors pour avoir porté si haut, avec humanité et probité, le projet européen! Cela nous oblige.