Sans les paiements de la politique agricole commune, une grande partie des zones soumises à des contraintes naturelles, telles que les montagnes ou les terres situées dans des territoires secs ou froids, risqueraient d’être abandonnées. Les paiements directs et les investissements au titre des fonds de développement rural contribuent à maintenir l’agriculture et les moyens de subsistance des populations rurales dans ces zones particulières. La note d’analyse publiée le 19 juillet par la Commission européenne montre également que les exploitations situées dans des zones soumises à des contraintes naturelles sont en moyenne moins intensives et utilisent davantage de terres bénéfiques pour l’environnement et la biodiversité, telles que les prairies, les protéagineux et les jachères.

Les zones soumises à des contraintes naturelles ou à d’autres contraintes spécifiques sont celles où l’agriculture est plus difficile en raison de conditions défavorables telles que l’altitude, la pente, la sécheresse, les basses températures, la texture défavorable et la pierrosité. Ces zones peuvent également être affectées par d’autres facteurs qui les rendent plus vulnérables à l’abandon des terres. Les zones soumises à des contraintes naturelles couvrent 59 % de la surface agricole utilisée de l’UE.

Les agriculteurs qui exercent leur activité dans une telle zone peuvent bénéficier d’une aide au revenu au titre de la PAC, en plus du paiement annuel moyen par hectare, afin de compenser les inconvénients liés aux contraintes existantes. Au cours de la période 2023-27, le soutien aux zones défavorisées est prévu dans les 23 plans stratégiques de la PAC, avec une dépense publique prévue de 18,7 milliards d’euros, couvrant 47 millions d’hectares. Ces aides sont connues en France sous le nom d’Indemnité compensatoire de handicaps naturels ou ICHN. Ce montant représente 17 % du financement public total pour le développement rural et 6 % du financement public total de la PAC. Dans l’ensemble, les paiements au titre des paiements compensatoires de handicaps contribuent à maintenir des systèmes agricoles extensifs et à faible niveau d’intrants qui, bien que moins performants sur le plan économique, produisent des denrées alimentaires et des aliments pour animaux dans des zones plus marginales.

C’est la première fois que la Commission procède à un tel examen des caractéristiques socio-économiques et environnementales des exploitations commerciales situées dans les zones défavorisées par rapport aux exploitations situées en dehors de ces zones, sur la base des données du réseau d’information comptable agricole de l’UE.

Quelques exemples de données sur les zones à contraintes naturelles

D’un point de vue économique, les exploitations situées dans les zones défavorisées sont en moyenne moins performantes, avec un revenu et une taille économique plus faibles, et reçoivent des subventions à l’hectare plus élevées que les autres exploitations. Malgré un soutien important de la PAC, l’écart de revenu entre les exploitations situées dans ces zones défavorisées et hors zones défavorisées reste important : 20,4 % de moins dans les zones de montagne et 26,5 % de moins dans les zones défavorisées hors montagne. Sans soutien public, une part importante de ces exploitations devrait cesser son activité.

D’un point de vue environnemental, les données montrent que les exploitations des zones défavorisées utilisent moins d’intrants, comme les engrais minéraux et les pesticides. Par exemple, les exploitations spécialisées dans les grandes cultures dans les zones défavorisées de montagne et hors montagne utilisent respectivement 55 % et 26 % d’engrais azotés minéraux en moins par rapport aux exploitations du même type situées en dehors des zones défavorisées. De même, parmi les exploitations spécialisées dans les cultures permanentes, les dépenses par hectare en pesticides et autres produits phytosanitaires dans les exploitations des zones de montagne et hors montagne sont respectivement inférieures de 56 % et 49 % à celles des exploitations hors zones défavorisées.

Outre leur impact négatif sur l’environnement en cas d’utilisation incontrôlée ou excessive, ces intrants représentent également un coût économique important pour les agriculteurs. Il est également prouvé que les exploitations agricoles situées dans les zones défavorisées ont une plus grande part de protéagineux, de prairies et de terres en jachère, qui sont des utilisations des terres dont il est prouvé qu’elles sont plus bénéfiques pour l’environnement et la biodiversité. Les protéagineux améliorent la fertilité des sols et réduisent les besoins en engrais synthétiques. Les jachères et les prairies réduisent le risque d’érosion des sols, favorisent la biodiversité, améliorent les propriétés biophysiques des sols et contribuent à l’entretien des paysages. De même, la diversification des cultures est une pratique agroécologique importante qui a des effets positifs sur plusieurs aspects environnementaux, notamment la biodiversité, la pollinisation, la lutte contre les parasites, le cycle des nutriments, la fertilité des sols et la régulation de l’eau. Dans les zones soumises à des contraintes naturelles qui ne sont pas des montagnes, la diversification des cultures est plus importante que dans les autres exploitations. Dans les zones montagneuses, les prairies prédominent.

Plus de soixante types d’habitats protégés par la directive “Habitats” dépendent ou peuvent bénéficier des activités agricoles et seraient menacés par l’abandon des terres, principalement les types d’habitats basés sur les prairies typiquement associés aux zones de montagne. L’analyse montre qu’il existe une coïncidence spatiale significative entre les zones agricoles abritant ces habitats et les zones à contraintes naturelles. L’arrêt de l’agriculture dans ces cas entraînerait donc une détérioration de leur état écologique. Cela n’aurait pas seulement un impact négatif sur les écosystèmes, mais entraînerait également la perte de paysages traditionnels précieux et reconnus, ainsi que d’éléments traditionnels matériels et immatériels, tels que les bâtiments traditionnels, les pratiques de transhumance et les produits typiques de la montagne, comme certains types de fromages.

Permettre aux exploitations agricoles situées dans les zones défavorisées de cesser leur production entraînerait probablement une diminution globale de la production alimentaire dans l’UE et une intensification conséquente des terres agricoles déjà gérées de manière intensive. C’est pourquoi l’aide de la PAC pour les zones à contraintes naturelles est cruciale.

Pour en savoir plus

Note d’analyse N°1 : Zones à contraintes naturelles (en anglais)
Vue d’ensemble et caractéristiques socio-économiques et environnementales de l’agriculture dans les zones soumises à des contraintes naturelles ou à d’autres contraintes spécifiques sur la base des données du RICA